Écrivain public bénévole
Un samedi matin de janvier..., dans la salle d’attente de l’association Soligratuit(*), au dessus de l’épicerie sociale, Maria, 70 ans, Mauricienne, attend patiemment, un dossier cartonné sur les genoux. Elle a rendez-vous avec Bertrand de Longueau, écrivain public, bénévole engagé au Secours Catholique. « J’ai apporté mes relevés de la Caisse d’allocations familiales (CAF) des six derniers mois. On me doit des indemnités que je ne vois pas apparaître. Je ne sais pas comment les contacter car je tombe toujours sur un répondeur téléphonique. Je ne peux pas non plus leur écrire, car je n’ai pas appris à le faire en français. Il reste Internet, mais je n’ai pas d’ordinateur à la maison. », explique-t-elle. La seule solution pour Maria, si elle ne veut pas attendre éternellement les allocations qui lui sont dues, est de faire débloquer son dossier par un écrivain public. Dans la petite salle où Bertrand l’accueille, l’ordinateur trône. Il permettra au bénévole de faire les recherches nécessaires parmi les méandres des l’Administration, pour trouver une solution.
Écouter, retranscrire, transmettre... Le bénévole assure ainsi depuis un an un trait d’union entre les individus et les nécessités administratives et sociales, dans une société où l’écrit est omniprésent. Il met sa plume au service de ceux qui maîtrisent mal notre langue, sa plume, ou plutôt son clavier.
Car le scribe de l’Antiquité et le clerc du Moyen-Âge ont été détrônés par un écrivain public polyvalent qui, grâce aux
nouvelles technologies de la communication, peut développer un éventail de services rédactionnels : documents administratifs, courriers personnels, récits de vie, corrections, réécritures, etc. Mais quand il faut répondre à la mise en demeure d’un organisme HLM, réclamer des allocations à la CAF (Caisse d’allocations familiales) ou à Pôle emploi, remplir une demande d’asile auprès de la préfecture, nul n’est besoin de déployer son talent littéraire. Il vaut mieux être à l’aise avec le langage administratif ou juridique, et aussi avec le désormais incontournable langage d’internet.
La fracture numérique est d'autant plus difficile à surpasser que le barrage de la langue
Outre ses compétences en langue française, l’écrivain public apporte une technicité et un savoir-faire certes, mais aussi une écoute, une compréhension, un conseil, et dans tous les cas une réponse à un besoin délicat ou fastidieux. Tous les samedis matins, Bertrand de Longueau profite ainsi des heures d’ouverture de l’épicerie sociale et de Soligratuit pour proposer ses services. Ils sont deux binômes à se partager ce créneau horaire. Ce directeur financier est devenu incollable sur les questions de demandes de RSA, de logements sociaux, de CMU ou de relations avec les bailleurs.
Pour les questions juridiques plus pointues, les demandeurs sont orientés vers le CCAS de Versailles (**). « Hormis le barrage de la langue pour les habitants du quartier, issus de l’immigration, c’est la fracture numérique qui me marque le plus. Elle est en partie responsable du retard scolaire accumulé par les plus jeunes au cours du premier confinement. », confie-t-il.
Mais le rôle de l’écrivain public ne se résume pas à une aide à l’écriture. Personnage familier du quartier, confident discret, il crée avant tout du lien social. C’est la conviction de Marie Chevallier, autre bénévole du Secours Catholique qui assure une permanence, le mardi matin, à la maison de quartier de Pré-aux-Bois, depuis trois ans. « J’apprécie ces rencontres où les personnes peuvent lâcher prise et déposer leur fardeau. Je leur offre ce temps gratuit pour les écouter et tenter de résoudre quelques unes de ces tracasseries administratives qui alourdissent encore plus leur quotidien. », commente-t-elle. Une bulle de décompression, un peu hors du temps.
(**) [Centre communal d’action sociale --> http://www.cdad-yvelines.justice.fr...]. Hôtel de ville de Versailles.